Il y a de ces artistes qu’on suit volontiers sans se poser de questions. Diane Tell fait partie de ceux-là; sa quête de liberté, inspirante, imprègne tout ce qu’elle fait, de son statut de musicienne indépendante à son désir de porter son bagage musical en des terres étrangères, parce que c’est ainsi qu’on s’enrichit. Huit ans après Rideaux ouverts, elle nous revient avec une douzaine de chansons comme autant de nouveaux espaces, défrichés avec son réalisateur, Fred Fortin. Le titre, qui dit à peu près tout : Haïku.
Photo : Maxim Morin
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Le son de la liberté
Le haïku (petit poème de trois vers) illustre en peu de mots ces grandes choses qui nous dépassent, comme l’évanescence des saisons ou du temps présent. Sa force d’évocation tient du mystère qu’il entretient, laissant place à l’interprétation et à l’émerveillement, comme le font justement les chansons nouvelles de Diane Tell, auxquelles l’éphémérité des sentiments sert de colonne vertébrale. L’amour, les regrets et l’abandon demeurent les thèmes de prédilection de l’autrice-compositrice-interprète.
En revanche, la signature musicale, de même que certains mots, transporte cette voix sans âge ni péremption dans une autre dimension : celle de Fred Fortin (basse, guitares), nourrie des couleurs de ses complices que sont François Lafontaine (claviers), Olivier Langevin (guitare électrique), Joe Grass (guitares) et Samuel Joly (batterie). Des artistes de Rideau ouverts se sont également joints à la chanteuse pour certaines chansons, notamment le poète Alain Dessureault et l’auteur-compositeur-interprète Serge « Farley » Fortin.
Haïku est le fruit de quatre ans de travail, de polissage et d’explorations, pour que chaque chanson obtienne son identité propre. Quatre d’entre elles portent entièrement la signature de Diane Tell, les autres sont nées de la collaboration extraordinaire entre ces musiciens de haut niveau.
Haïku est donc la galaxie qui résulte de la collision de deux mondes : celui de la belle et celui de la brute.
Sans se piler sur les pieds
Comment sonne cette galaxie? Vie, qui ouvre l’album, nous permet en quelque sorte d’assister aux balbutiements de la rencontre, quand chacun fait attention de ne pas piler sur les pieds de l’autre. Bossa et country-folk (représenté par la belle guitare slide) conversent subtilement jusqu’à l’entrée tardive d’un piano sombre, qui chasse du tableau l’idée d’une fin heureuse.
La suite navigue entre les eaux imprévisibles du folk prog-rock et le bagage riche et scintillant de Diane Tell, bien garni de ses influences des dernières décennies, du jazz à la ballade façon 1970, qu’on perçoit notamment sur On n’jette pas un amour comme ça et Rien.
Or, le mot d’ordre est « exploration », et c’est dans les chansons Chat, Evolene et Spoiler qu’il se manifeste avec plus de mordant. Des idées follement excitantes circulent là-dedans, alors que la créativité et la virtuosité des musiciens s’affrontent et s’envoient des défis de toutes sortes, en jouant par exemple avec les codes du jazz. Avec des chansons pareilles, on s’attend à ce que Diane Tell soit du prochain FME, rien de moins.
Puis, Diane Tell nous rappelle que dans son univers, sœur mélancolie n’est jamais très loin, plus présente sur J’aurais voulu qu’tu saches qu’ailleurs. La manière qu’elle y a de l’aborder, portée par un crescendo à faire frissonner une foule entière, démontre à quel point le cœur est chez elle un puissant moteur.
En terminant, voici quelques mot s de l’écrivain d’origine suisse Slobodan Despot, auteur de trois chansons (On n’jette pas un amour comme ça, Rien et Questionnaire), qui présente merveilleusement bien Diane Tell dans le livret :
« Sa recette est simple : comme l’escargot, emporter sa forteresse partout avec soi. Diane a la passion de la liberté – de sa liberté. Ne rien devoir à personne est la clef de la quiétude. Ne pas avoir à diluer d’une goutte d’eau le vin de sa poésie est la récompense de cette rigueur. Moniale solitaire rêvant sur les sentiers alpins, guerrière solitaire roulant sur la route sans fin des tournées, voyageuse solitaire abonnée aux long-courriers transatlantiques. Solitaire et pourtant jamais seule! »
– Slobodan Despot
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