Le Journal de Montréal – Diane Tell se porte à la défense du streaming – le 26 novembre 2019

La chanteuse et productrice affirme faire plus d’argent aujourd’hui qu’il y a 20 ans

Quelques semaines après la sortie de Pierre Lapointe au gala de l’ADISQ, qui déclarait se faire voler par des multinationales comme Spotify, Diane Tell vient à la défense de l’écoute en continu (streaming). « On ne tape pas sur le bon cheval. Ces compagnies-là sont les premières depuis 20 ans à injecter de l’argent neuf dans notre industrie », fait-elle remarquer.

Photo : Maxime Morin

Alors que plusieurs artistes ont applaudi la déclaration de Pierre Lapointe, Diane Tell admet ne pas être certaine que les propos de celui avec qui elle a déjà travaillé sur La Voix, en 2015, aident la cause des musiciens québécois.

« Quand Pierre dit qu’il a touché 500$ pour un million d’écoutes, on ne sait pas de quels droits il parle, dit-elle au Journal. Ça fait le buzz mais ça ne clarifie pas la situation. Dire ça au gala, sans aucune explication, ça envoie un mauvais message au téléspectateur qui peut se dire que si les artistes se font avoir, ce n’est pas la peine qu’il s’abonne [aux plateformes]. »

Dans les faits, Pierre Lapointe voulait dire au gala qu’il avait touché 500$ uniquement avec les droits d’auteur-compositeur de sa chanson Je déteste ma vie, pour un million d’écoutes sur Spotify. Or, le lendemain de la cérémonie, le chanteur précisait au Devoir qu’en ajoutant les diffusions sur YouTube et Apple Music, le montant qu’il avait reçu pour les droits d’auteur-compositeur de la même chanson s’élevait plutôt à 2000$.

« Je me faisais voler »

Quand on parle de « se faire voler pour sa musique », Diane Tell connaît bien le dossier. À ses débuts dans l’industrie, en 1977, la chanteuse déclare au Journal qu’elle avait « signé avec le diable ». « Je me faisais voler à 100%. Ça m’a pris des années à récupérer ses contrats-là. Pendant cinq ans, je n’ai pas touché une « cenne ». »

En 1982, elle devenait finalement productrice de ses chansons. Et il y a quelques années, Diane Tell lançait son propre label, Tuta Music. Très au fait de l’industrie, la chanteuse-productrice publie régulièrement des billets via son blogue dianecausemusique.blog. Elle souhaite se porter à la défense de l’écoute en continu, car elle trouve plusieurs avantages à ce service. « Dans mon univers à moi, je vis mieux maintenant qu’il y a 20 ans », dit-elle.

Pour quelle raison? « Avant, quand t’avais un nouveau disque, t’en vendais pendant trois à six mois. Et après, il n’y avait plus rien. Maintenant, l’avantage est que les revenus du streaming restent stables. »

En 2018, son label a fait 24 000 euros pour 7,3 millions d’écoutes en continu. « Et en 2019, on devrait être entre 10 et 12 millions d’écoutes. Ça augmente chaque année. »

La clé du succès pour un artiste est-elle d’avoir sa propre compagnie de disque? Ce ne sont pas tous les musiciens qui ont la fibre entrepreneuriale et qui peuvent aisément gérer leur argent, répond la chanteuse. Diane Tell appelle toutefois les artistes à se responsabiliser. 

« À mon avis, ce n’est pas tellement d’avoir son propre label, c’est de garder le contrôle de ses revenus. »

« Si je n’étais pas propriétaire de Si j’étais un homme, je ne serais plus dans l’industrie aujourd’hui, avance-t-elle. Je ne serais pas capable de vivre de ma musique si je n’avais pas ça. »

Changer de modèle

« En France, les gens ne se plaignent pas tant que ça du streaming », observe Diane Tell. Les artistes québécois sont dans une position différente, car le marché est beaucoup plus petit et ils ne peuvent profiter du système actuel des redevances.

Même si elle défend les compagnies comme Spotify, Diane Tell souligne que celles-ci devraient toutefois changer leur modèle pour aider davantage les artistes de niche. 

En ce moment, le modèle fonctionne au prorata. Prenons l’exemple que 80 % des utilisateurs sur Spotify écoutent Drake, et 20 % écoutent Diane Tell. Si un consommateur paie 100 $ d’abonnement par année et n’écoute que du Diane Tell, il n’y a que 20 $ de son abonnement qui va à la chanteuse, et l’autre 80 $ va à Drake.

« Ce modèle-là convient aux gros artistes internationaux et aux trois compagnies majeures Warner, Universal et Sony, fait remarquer Diane Tell. Mais ça ne fonctionne pas pour les artistes de niche. »

Une des solutions qui avantagerait les artistes québécois serait que les plateformes comme Spotify adoptent le modèle lancé récemment par Deezer, appelé User Centric Payment System (UCPS). Selon ce modèle, si on reprend le même exemple plus haut, un utilisateur qui écouterait 100% Diane Tell verrait son 100$ d’abonnement être remis en entier à Diane Tell et non à Drake. »

« De cette façon, si un million de Québécois s’abonnent à 100$ par année et qu’ils écoutent des artistes québécois, c’est 100 millions de dollars qui reviennent ici au lieu d’aller aux États-Unis », mentionne Diane Tell.

LES PRINCIPALES PLATEFORMES DE STREAMING

  • Spotify
  • Deezer
  • Apple Music
  • Youtube Music
  • Google Play Music

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