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Les principes qui guident Diane Tell
par Diane Tell
Dans l’industrie de la musique, il y a les saveurs du mois et les artistes (les rares) qui savent durer. L’autrice-compositrice-interprète appartient précisément à la seconde catégorie. Elle partage les valeurs qui la guident dans son travail et sa vie.
Propos recueillis par Catherine Genest.
Donner le meilleur de soi
Savoir ce que l’on veut et travailler fort est probablement un bon point de départ. Avec une honnête dose de courage, de persévérance et un peu de chance, on peut y arriver. Dans l’industrie de la musique, la compétition ne vient pas toujours de l’extérieur. Nos désirs rivalisent avec nos besoins, nos talents et nos faiblesses. Il a bon dos, «le milieu», pour excuser nos défaites. Je suis ma meilleure ennemie et le milieu, mon pire ami.
Viser l’indépendance
À 18 ans, j’ai signé un mauvais contrat avec une mauvaise personne. Dès la sortie de mon premier album, j’ai entamé, avec l’aide d’un avocat, une procédure qui allait durer cinq ans, pour conduire à ma définitive indépendance et au contrôle de mes droits.
Cependant, cette voie n’est pas pour tout le monde, certain·es artistes n’ont pas envie de gérer leurs affaires. Pour bien faire quoi que ce soit, il faut y mettre un peu d’amour, et moi j’ai toujours aimé la part industrielle des métiers de la musique. J’y consacre beaucoup de temps, et avec grand plaisir. Pour ce qui est de l’indépendance artistique, celle-ci est possible quel que soit le modèle d’affaire adopté.
Être de son temps
Lorsqu’il est question de Spotify et des autres plateformes d’écoute en continu, j’ai l’impression d’être la voix positive qui vole au-dessus d’un chœur de lamentations! Le streaming a sauvé l’industrie de la musique enregistrée, c’est un fait indéniable. Selon le Rapport IFPI1 2022: «les revenus de la musique enregistrée augmentent pour la septième année consécutive, à 25,9 milliards de dollars», du jamais vu depuis 20 ans.
Ce que beaucoup ne comprennent pas, c’est que l’industrie de la musique enregistrée est un petit marché et que les plateformes de distribution en ligne ont peu de marge financièrement. À preuve, 70% de leur chiffre d’affaires est distribué aux ayants droit. Spotify n’a jamais présenté un bilan annuel positif depuis sa création. Les propriétaires des bandes maitresses (labels, producteurs, fonds spéculatifs) se taillent la part du lion, mais ne partagent pas toujours équitablement leurs revenus avec les artistes dont ils administrent ou possèdent les œuvres. On blâme les plateformes alors qu’il faudrait chercher la faille du côté des labels.
Vivre ses rêves
J’ai un rêve, un but dans la vie, une mission à accomplir… Une fois la ferme décision prise d’y aller, je ne m’attarde pas trop sur l’ensemble des étapes à franchir pour parvenir à mes fins. Je les aborde une à une, au rythme de ma progression comme pour toute entreprise nécessitant une prise de risques, un engagement majeur, d’importants investissements combinés à de nombreuses inconnues, au désir d’innover, et aux inévitables erreurs de parcours.
Fuir les environnements toxiques
Si je devais m’adresser à un·e jeune artiste, je commencerais par ceci: cultive ton instinct et suis-le même s’il s’oppose à la culture qu’on veut t’imposer. Adapte l’environnement qui t’entoure à ta nature propre, à ta valeur sure.
Prôner la solidarité
Je siège sur le conseil d’administration de la SOCAN depuis 2018 parce je crois au bon sens de la gestion collective des droits d’auteur et droits voisins du droit d’auteur. Je crois que les créateur·trice·s se protègent mieux ensemble qu’individuellement.
Malgré tout, je crains que les bonnes intentions des SOCAN de ce monde ne suffisent pas à défendre les artistes dans le futur, face aux «metaverses» en gestation chez les GAFAM. Il faudra que l’ensemble de la communauté, y compris les éditeur·trice·s, le public et les élu·e·s, s’entende sur la valeur de la musique et de ses auteur·trice·s.
Cultiver sa curiosité
Savoir s’adapter, se faire adopter, inspirer les autres et leur faire confiance en retour, aimer les défis… c’est ça la vie. Quand l’expérience rencontre la fraicheur, quand l’énergie se frotte à la sagesse, les contraires s’attirent et les différences se complètent.,.
Ma musique est un «mix» de ce que j’aime et de ce que je suis. Je vais à la pêche sur un beau lac à l’abri du «mainstream» pour ensuite cuisiner mon poisson tout frais à la plancha comme j’aime, selon une recette bien à moi!
Les principes qui guident Diane Tell sur le site de Nouveau projet
Nouveau Projet est un magazine culture et société québécois, lancé à Montréal en par le journaliste Nicolas Langelier et le philosophe Jocelyn Maclure. Sa vocation est de publier des textes pour permettre de mieux comprendre les enjeux de notre époque.